23/12/2007

L'enfant et la marque : touché !

618e19b1ed3bfc4cc3c94e3e3e7d56ea.jpgLa scène se passe dans un magasin de vêtement de sport un samedi après-midi. Super Chat y est allé avec son père, qui veut lui acheter un bonnet (sa tête a grossi). Le choix se porte sur un bonnet noir et blanc, d’une marque apparemment connue dans les cours d’école et dans les rangs des sportifs (mais pas de moi), avec un logo devant et le nom de la marque derrière (ou inversement), bien visible en tout cas! (attention, ce n'est pas Super-chat en vrai sur la photo :o) )
Après avoir payé, le papa installe le bonnet sur la tête de son fils, sans précaution particulière, donc de travers, et le dit fils se précipite vers un miroir pour rectifier la chose en disant « Non, attend, il faut qu’on voit la marque ! »

Aaarrggh ! 5 ans et demi et déjà brand addict ! Le pouvoir d’influence et de nuisance des cours d’école est vraiment précoce !

Pour autant, ça ne se joue pas encore complètement via la publicité à leur âge, mais plus par l’influence des petits camarades qui portent ou non la même chose (la preuve, mon fils considère que Quechua est une « vraie » marque, parce que lui et tous ses petits copains portent beaucoup de ces produits Décathlon, alors que son père et moi la considérons comme une MDD ! Un beau coup marketing !)

57458723225100f623704fa486288d3a.jpgMais je réalise à cette occasion que mon fils est déjà entré dans cette catégorie "enfants clients" contre laquelle Daniel Pennac s’insurge dans son dernier livre « Chagrin d’école ». L’écrivain-prof s’étrangle de rage et de honte à l’écoute de cette Mamie Marketing qu’il entend déclarer à la radio que : "l'Ecole doit s'ouvrir à la publicité, laquelle serait une catégorie de l'information, elle-même instrument premier de l'instruction" (voir là, sur le blog de Greg, ce que ça peut donner !)
Pennac calcule même que chaque adolescent qu’il croise aujourd’hui porte sur son dos, et à ses pieds, et dans ses oreilles, pour 576 400 anciens francs (880€) de jeans de marque, de baskets must-have, de téléphone portable dernier cri et autres i-pod indispensables !

Ca le hérisse le prof, et il a raison, mais c’est justement notre métier de marketeur que de faire en sorte que tous nos clients, fussent-ils des enfants et des élèves, ne puissent pas se passer de nos produits, que ce soit par goût personnel ou sous la pression sociale !

Alors moi, en tant que maman-marketeuse, je suis schizophrène ! Partagée entre le coup de chapeau à la méthode marketing, au buzz, au trend-setting qui marchent si bien, et le souhait que mes enfants ne soient pas « prisonniers » de ce système, ou au moins qu’ils n’en soient pas dupes ….(ce qui est difficile à leur âge !)

Et je « tilte » quand je lis ce dialogue avec des « cancres des banlieues », raconté par l’ancien cancre Pennac :


- Les profs nous prennent la tête , M'sieur!
- Non Maximilien tu te trompes, ta tête est déjà prise.
- Elle est prise ma tête ?
- Qu'est-ce que tu portes à tes pieds ?
- J'ai mes N, m'sieur ! (ici le nom de la marque)
- Tes quoi ?
- Mes N, j'ai mes N !
- Et qu'est-ce que c'est tes N ?
- Comment ça qu'est-ce que c'est ? C'est mes N!
- Comme objet, je veux dire, qu'est-ce que c'est comme objet ?
- C'est mes N !!
Et comme il ne s'agissait pas d'humilier maximilien, c'est aux autres que j'ai, une nouvelle fois, posé la question :
- Qu'est-ce que Maximilien porte à ses pieds ? (...)
Silence.
Puis une fille, soudain :
- Ah oui, comme objet ! ben , c'est des baskets !
- C'est ça . Et un nom plus général que "baskets", pour désigner ce genre d'objet, tu sais ?
- Des ... chaussures ?
- Voilà, ce sont des baskets, des chaussures, des pompes, des groles, des tatanes, tout ce que vous voulez, mais pas des N ! N c'est leur marque et la marque n'est pas l'objet !
Question de leur professeur :
- L'objet sert à marcher, la marque sert à quoi ?
Une fusée éclairante au fond de la classe:
- A s'la péter , m'dame !

Rigolade générale.
- A faire le prétentieux, oui. (...)


Ici un paragraphe sur le fait que les marques transforment les élèves en hommes-sandwichs sans même les payer, sauf les petits caïds, frimeurs en chef, qui sont "sapés gratos" pour qu'ils "se la pètent" en classe. (suivez mon regard)

"Nous nous sommes séparés sur une petite manif verbale : "Li-bé-rez les mots ! Li-bé-rez les mots ! " jusqu'à ce que tous leurs objets familiers, chaussures, sacs à dos, pull-overs, anoraks, baladeurs, casquettes, téléphones, lunettes, aient perdu leurs marques pour retrouver leur nom."

Et nous notre boulot d’affreux mercantiles, c’est de donner aux objets notre marque plutôt que leur nom !
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Allez, excusez-moi, je vais chercher mes kleenex – pardon mes mouchoirs en papier- et je vais pleurer un bon coup !

22:50 Publié dans Kids & Co | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : marketing enfants, marque, buzz, chagrin d'école, pennac | |  Facebook

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